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Loïse Margency
  Zéro - Premières armes Sommaire par MãSõ.
Loïse Margency
Rose, ma chère…

     Loïse Margency est née d'un constat, vers septembre 1975.

     Elle et moi apportions à cette époque - sommairement bénie - notre maigre contribution à l'une des innombrables revues de la presse dite paralléle. À la meilleure cela va sans dire : « L'Ecchymose ™ ».

     J'étais alors un jeune auteur en herbe (herbe séchée sur pied, depuis), doublé d'un dessinateur quelque peu spécialisé dans le dessin de nu (pas le plus désagréable, tout bien considéré). Si mes textes et poèmes n'intéressaient déjà personne, en revanche on s'arrachait mes petites bonnes femmes à poil - dessinées à l'œil - et que l'on destinait à illustrer n'importe quoi, qu'elles aient ou non un quelconque rapport avec le sujet traité.

     Elle, Nathalie Marcenes, dite Loïse, me servait à la fois de muse et de modèle. N'insistons pas trop sur le second point : pas encore quinze ans révolus… Nathalie se passionnait pour l'écriture, celle des autres ; mais quant à elle chanter les fleurs, la campagne et les petits oiseaux, cela l'ennuyait profondément. Les vieilles pierres aussi. La mer toujours recommencée la faisait littéralement gerber, tout comme les mystères de la nuit, la lutte éternelle du Bien et du Mal, sans compter l'engagement, qu'il soit politique,  humanitaire ou philosophique, voire sportif. Parler de ses amours lui paraissait sinon prématuré, du moins de la plus totale impudeur. Bref, en poésie, elle se cherchait encore. En fait, Nathalie n'aimait pas grand-chose, à part moi.
     Si, tout de même ! Montrer ses fesses l'amusait au plus haut point, mais il fallait le lui demander poliment.

     Le constat maintenant…

     Pour avoir bien décortiqué maints poèmes envoyés par d'illustres inconnus à « L'Ecchymose ™ » - ceux du moins que nous parvenions à déchiffrer - nous avions fini par classer leurs auteurs en deux franches catégories : les hommes, d'une part, et les femmes, d'autre part.
     Les hommes parlaient de préférence de leurs amours, et plus précisément du cul de leur amour. À la rigueur de leurs seins ou de ce machin bizarre là devant que j'aime bien aussi. Ils oubliaient en général d'y mêler un peu de sentiment.
     Les femmes parlaient de préférence de leurs amours, et plus précisément des sentiments divers et variés que ces amours leur inspiraient. Elles oubliaient en général de parler de leur cul à elles (celui de leur chéri n'intéresse évidemment personne !).

     Nathalie et moi tentions parfois d'imaginer ce que produirait une femme écrivant avec les mots des hommes. L'inverse est fait depuis longtemps : de nombreux auteurs masculins, cherchant à se faire passer pour femmes, parlent de préférence de leurs amours, et plus précisément du cul qu'ils auraient eu si les chromosomes avaient joué le jeu. Ils oublient en général d'y mêler un peu de sentiment.
     Et si une femme parlait de son cul, certes, mais avec du sentiment, pour changer ? Et si un homme parlait de… euh ! non, aucun intérêt. Seule la première proposition fut retenue.
     Décidés, mon amie et moi créâmes cette improbable chimère. Vite trouvé, le pseudonyme. Nathalie lui choisit son prénom d'apparat, Loïse, auquel j'accolai logiquement le nom d'une héroïne de Zévaco, fiancée de Pardaillan, le débarrassant au passage de sa particule, Margency. Et la peste soit de ces faillies Charlotte-Edouardine de Sainte Roux du Cullaleyre comme il en fleurit tant chez les poémeurs. Morbleu ! vive la roture !

     Loïse Margency ne devait s'exprimer qu'en vers classiques, en respectant selon nos connaissances les règles de cet art. Pour donner à l'ensemble la dimension d'une œuvre, à défaut de qualité chaque texte, quel qu'en soit le sujet, devait présenter tous les signes extérieurs d'un sonnet. Dans le projet initial, Nathalie et moi devions écrire chacun de notre côté, avant de nous corriger mutuellement, afin d'assurer au personnage unicité et cohérence.
      Nous avions même prévu ce petit détail, destiné à nos futurs exégètes, qui chercheraient évidemment à retrouver l'auteur réel de chaque poème : la rime du premier vers, selon qu'elle serait féminine ou masculine, désignerait Nathalie ou a contrario me trahirait. Pardonnez l'immodestie du propos, nous étions jeunes et beaux, elle surtout.

     Comme toujours, je fus lent à me mettre au travail. De la technique, mais peu d'inspiration. Et puis, moi, tout bien pesé, écrire au féminin !… Nathalie, en revanche, devait immédiatement s'atteler à sa propre tâche (mettons bien l'accent sur un strict respect de l'orthographe, car une tache ne saurait rester propre bien longtemps), surprenant tout son monde par une productivité inattendue de sa part : pas moins de dix sonnets entre le 16 et le 21 avril 1976. Elle y créait de toutes pièces ce personnage de fille un peu paumée, exhibitionniste par plaisir ou par dépit, déjà très ironique envers la gent masculine, qu'elle parodiait d'ailleurs volontiers.
     Reconnaissons-le, ils étaient de valeurs inégales, ces quelques sonnets, notamment aux yeux du puriste (puritain ?) que j'étais. Leur atmosphère quasi-incestueuse chamboulait mon idée du personnage. Avec plus ou moins de bonne foi, je trouvai prétextes à y redire, suggérant quelques retouches ici et là, mais au final sans changer de beaucoup le résultat. Néanmoins, Nathalie avait donné le ton, et moi, j'étais K.O. debout. Comment aurais-je pu m'aligner désormais sur une pareille production, en nombre, ce qui n'est rien, mais aussi en perfection ?

     Puis j'ai vieilli… Sans doute suis-je plus objectif, moins enclin à me pâmer devant ces premiers essais. Leurs maladresses m'apparaissent mieux. Sans doute, certaines situations ont quelque chose d'artificiel : manque de réalisme ou de sincérité, Loïse Margency s'y réduit parfois à la vaine provocatrice que d'aucuns ont persisté par la suite à voir en elle. Je laisse le soin de la défendre à ceux de ses anciens détracteurs qui, pour l'avoir rencontrée, ont pu constater DE VISU qu'elle sait aussi bien tenir que faire courir ! Inégaux, donc, ces poèmes des premiers jours. Mais que j'aurais voulu, de l'ensemble, n'écrire que le sonnet numéro cinq !

     Au fil des ans, Nathalie Marcenes s'est identifiée à Loïse Margency, corps et âme. Nos chemins se sont gentiment éloignés ; à chacun sa vie. En dehors de l'illustration (merci à elle de ne pas m'avoir trop souvent remplacé, mais après tout, pourquoi pas ?), mon rôle se borne à de menues corrections, ou plutôt à des suggestions de corrections, dont elle tient parfois compte. Ce n'est plus la jeune fille inexperte de ses débuts. La maturité venue, plus une fille, presque un mari, elle éprouve moins le besoin d'écrire, sachant vivre ses fantasmes au jour le jour ; mais elle reste du moins fidèle à ce qu'elle est devenue. 
 
     Oui, si vous le lui demandez avec des fleurs, elle se mettra nue pour vous. Pas toujours, mais qu'importe ?… Elle s'adresse avant tout aux voyeurs, ne l'oublions jamais. (Rien que cela mérite le détour, la môme espiègle est aujourd'hui une sacrée belle femme !) Mais ne comptez pas arriver jusque dans son lit pour autant. Elle ne se donne que par sentiment ou par désespoir. Ou sans raison aucune…

     C'est beau comme du Jean Chialerais, moi je trouve !
 
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