
Yann Brugenn
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Nimbée dans une pénombre complice,
Allongée sur un carré de lin virginal,
Tu attends, brûlante, impatiente des prémices.
Voilant l'embrasure de ta cachette prairiale,
Tu masques l'âtre de ton ardent buisson
Mais aspires à la venue de l'inconnu.
Décidé, le messager de mon insensée passion
Te témoigne une altière fierté incongrue.
Tes formes fascinantes et magnétiques
M'attirent lentement vers tes appas
Et mes mains devenues impudiques
Espionnent le moindre recoin de toi.
Toi, indéfectible tentation.
Les boucliers de tes intenses émotions
Stupéfaits, se raffermissent et se dressent ;
Ils s'abandonnent aux assauts vagabonds
De mes doigts débordants de promesses.
Arrogants, ils dardent vers l'obscurité,
Saoulés de caresses et d'affleurements.
Attisés et distraits, ils laissent s'évaporer
D'inaudibles et secrets chuchotements.
Ivres de volupté, ils se veulent d'albâtre,
Ils s'érigent en proie abandonnée
À mes doigts timides qui les idolâtrent
Pour se prosterner sur leurs sommets.
Toi, mon indélébile obsession.
Mes doigts s'éprennent de ta peau satinée,
Ils inventent une carte de la passion ;
En quête du chemin de ton intimité,
Ils suivent un labyrinthe obsession.
Ils effleurent et se brûlent sur les tisons
De l'effervescence de ton désir,
Dans la luxuriance de ta brune toison
Ils s'attardent, se perdent et s'étirent.
Ils s'égarent vers cette inespérée prison,
Chercheurs d'un incomparable trésor ;
Explorateurs d'une édénique région
Partis pour une aventure sans remords.
Toi, mon insondable aliénation.
Portés par une ineffable espérance
Mes mains s'éparpillent et s'oublient.
Captivées par tes charmes en transes,
Elles s'égarent vers ta florissante prairie.
Otage de notre exubérante emprise,
Mon corps inassouvi, se libère et s'affole ;
Affamé, il fouine vers ta terre promise
Avec l'appétence de ton occulte coupole.
Dans des épousailles de tes rondeurs
J'explore les énigmes de tes coulisses,
Ma bouche vorace de tes moindres saveurs
Se délecte du goût de ton enveloppe lisse.
De toi, mon fertile sillon.
Empressées, mes incandescentes lèvres
Frôlent par touches ta peau frémissante,
Elles impriment sur ton corps en fièvre
Le tableau de leur faim grandissante.
Seul le silence se tient à l'écoute
De tes lancinantes plaintes parasites,
Il ne peut perturber la patiente route
Que j'esquisse vers ta forêt interdite.
De tout ton être embrasé, tu me guettes,
À l'orée de ta sublime Porte Sacrée,
Décidée à m'offrir l'unique clé secrète,
Sésame du passage vers la félicité.
Vers toi, inespérée moisson.
À la barrière de ton jardin des Délices,
Le patient porteur de mon désir ardent
Doucement s'abandonne et s'immisce
Converti en téméraire conquérant.
Je te sens qui, lentement, défaille,
Avide d'accorder tes ultimes faveurs,
Un court frisson secoue tes entrailles
En attente qu'il leur soit fait honneur.
Et tombe ton dernier barrage impavide,
Le diplomate de mes flambantes ardeurs
Se hasarde au creux de cet Eden humide
Pour y couler le fruit de sa violente ferveur.
En toi, ma charnelle passion.
Aiguillonné par un désir indomptable,
Ton corps ensorcelé se tord et se cambre ;
En quête d'un lointain plaisir insondable
S'étirent et m'enserrent tes membres.
Invité d'une grotte longtemps irréelle
Ton hôte glisse vers ton ultime muraille ;
Désireux d'inonder d'une sève passionnelle
Le puits qui sourd au fond de tes entrailles.
De timides râles de douleur voluptueuse
Entrecoupent tes appels sans emphase
Alors que ta chair désirée délicieuse
Cherche à se noyer dans le flot de l'extase.
Toi, mon arcane infini.
Tes doigts crispés irrigués de jouissance
Laissent des témoignages sur ma peau,
Signatures d'une sensuelle souffrance
Que répète l'écho intime de tes mots.
L'effréné courant de tes reins qui ondulent
M'entraîne dans les tréfonds de ton sanctuaire.
Prisonnier complice de ton étau tentacule,
J'assaille l'extrême rempart de ton repaire.
Dans un dernier assaut de tes secrets
Je te lègue ma crème de jouissance.
Du fonds de ta gorge longtemps oppressée
S'évade une plainte qui troue le silence.
Offerte, je te crucifie.
Tu pars dans un immense cri de bonheur
Vers la contrée d'une totale plénitude ;
L'émissaire de mon irraisonnée vigueur
Découvre tes trésors, vêtu de béatitude.
La petite mort violemment nous emporte,
Nous plongeons tous les deux en osmose
Dans les méandres d'un abîme à large porte
Où la quiétude désormais s'impose.
Ton triomphateur repose sur toi, satisfaite,
Et chute le symbole de mon arrogance,
Au creux de sa plus tendre conquête
Mon sceptre gît, captif de sa déchéance.
Enivrante mission accomplie.
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